Infra-Red [Fashim]

En rentrant chez moi, j'avais tout détruit, en commençant par les miroirs. J'avais tout envoyé voler, énervé comme jamais. J'en avais hurlé à me briser la voix. Maudite soit cette vipère! Je la haïssais de tout mon être, de toute mon âme damnée. Je la maudirai, elle et son petit ami de mes deux.
Ce corps était frêle et faible, au bout d'une heure de carnage, je ne tenais plus sur mes jambes, mes mains tremblaient et je décida d'aller me réfugier sous ma couette, me détestant encore plus pour mon attitude. Lorsque je sentis la présence de Gabryell, mon coeur cessa de battre. Je ne voulais pas qu'il me voie dans cet état, mais si je lui disais de partir, il allait entendre ma voix. J'étais piégé.

Les paroles de Gabryell m'allaient droit au cœur, mais mon désespoir du moment était plus grand encore. Il était assis non loin de moi. J'osa finalement me risquer à sortir une main de sous la couette pour lui prendre tendrement la main, je ne rencontra que le verre de sang frais qu'il avait déposé à mon attention sur la table. Je délaissa le sang et récupéra rapidement ma main, bien à l'abri des regards.
Je me mis à gémir d'une voix atrocement féminine.

- Gabryell...

Je ne pouvais pas rester indéfiniment caché sous une couverture. Lentement, je souleva la couverture et m'assis dans le lit. Je n'osais même pas regarder Gabryell de peur de voir sa réaction.

- Ne me regarde pas, je suis hideux...

Quelle honte encore allais-je devoir subir? La sentence de cette satané Mewen était pire que la mort, et elle le savait très bien !

La réponse de Gabryell ne me faisait pas du tout plaisir. L'entendre me dire qu'il me trouvait attirant dans ce corps... Sonnait comme la pire des insultes à mes oreilles. Le regard résolument baissé au sol, je répondit de cette voix que je détestais tant:

- J'ai provoqué Mewen plus que de raison...

Pourtant je le savais. Je savais pertinemment qu'il ne fallait jamais la pousser à bout celle-là, qui sait ce qu'elle est capable d'accomplir sous le coup de la colère? Maintenant j'en avais une petite idée.

Croiser le regard de Gabryell était une torture en soi, au fond je sentais le soulagement en lui, comme si un de ses voeux venait d'être exhaussé. Je déglutis en songeant à la réponse que j'allais devoir lui donner.

- Vu les conditions pour retrouver mon apparence normale, je crois que je suis bloqué ainsi pour toujours...

Rien que l'idée de faire ce qu'elle sous entendait me donnait la nausée. Je dus faire un effort pour ne pas hurler de colère une fois encore. Mes pouvoirs étaient toujours là, mais quelque chose les bridaient, comme si ce corps n'était pas assez résistant pour leur pleine puissance.
Je me sentais tellement vulnérable.

Quelque soit la solution à laquelle je pensais, je finissais par me retrouver bloqué. Gabryell ne voyait le problème que du point de vue de notre relation, mais j'avais une vision beaucoup plus globale des choses. J'allais perdre toute crédibilité auprès de mes étudiants, j'allais devoir m'affirmer alors que je n'étais même plus sûr de pouvoir rivaliser avec Lucian. Mais le pire de tout, c'est que je n'avais plus mes crocs.
J'ignorais pourquoi, mais elle m'avait privée aussi de cela. Le sang de Gabryell ne me faisait même plus envie. J'étais emprisonné dans une enveloppe mortelle et j'entendais au loin tous les démons de l'enfer se moquer de moi ouvertement.

Mewen, de par ses action avait fortement affaibli la magie noire. D'abord avec Lucian et son histoire avec Kyô, puis directement avec moi... Elle allait causer notre perte. Au fond, bien que l'envie de l'écarteler me taraudais, j'étais en train d'assimiler la dure leçon: plus jamais je ne sous-estimerai cette femme. Ce qui ne m'empêcherai pas d'ourdir un plan pour la punir sévèrement de cela.
Réalisant que Gabryell était toujours là, je lui répondit d'une voix amère.

- Si tu me jures que tu ne me considérera jamais comme une...une...

Finir ma phrase était trop dur.

- Alors je veux bien que l'on continue de se voir toi et moi.

Je n'étais pas dupe, il me serrai dans ses bras d'une façon tellement plus spontanée, naturelle. Il était heureux de cette situation, bien plus que ce qu'il voulait bien dire. Mal à l'aise à la simple idée qu'il puisse me désirer sous cette apparence, je m'écarta et me leva pour faire les cents pas.
N'étant pas une femme de nature, je n'avais bien entendu pas pensé à mettre de soutien gorge pour soutenir mon opulente poitrine qui était donc plus que visible à travers le long T-shirt blanc que j'avais revêtu et qui descendait jusqu'à mes cuisses. De plus, mes pantalons étaient maintenant trop étroits pour contenir mes hanches effroyablement voluptueuses.
Mewen n'avait pas fait les choses à moitié en me transformant en une femme androgyne. Non. Elle avait fait de moi une créature digne d'elle, une véritable catin. Je ne me rendais pas compte de ces détail, tout cela était gênant voilà tout. Je n'avais pas idée du pouvoir d'attraction que je pouvais avoir sur un homme, et je n'avais pas trop envie de le découvrir. Pourtant, si je voulais redevenir moi un jour, il allait falloir que j'y passe. Là dessus, mon choix n'était pas encore arrêté. Allais-je le faire ou rester à jamais ainsi?

Sa remarque me stoppa dans ma tentative désespérée de trouver une solution à tout ce bordel.

- Non, je ne suis plus un vampire non plus... Je ne bois plus de sang maintenant.

Encore une humiliation supplémentaire. Je n'étais plus qu'une femme faible, et totalement ordinaire. Comme les quelques femmes que nous avions en première et deuxième année de magie noire.
Autant dire que j'étais totalement inutile maintenant.

C'était horrible car à chaque fois qu'il faisait quelque chose pour moi, je me demandais s'il l'aurai fait du temps où j'étais un homme. Du coup plus aucun de ses gestes ne me paraissait sincère, ce qui était injuste envers lui.

Je mangea quelques bouchées à peine, n'étant absolument pas en appétit. J'avais perdu l'envie de tout, et parler était maintenant une torture, ce qui me rendait encore moins loquace qu'avant.

- Ça ira.

Quant à trouver une solution, j'avais d'énormes doutes là dessus.

Gabryell lut très certainement la colère et le dégoût qui passèrent dans mes yeux lorsqu'il m'avoua que je lui plaisais ainsi. Je me leva de table et lui tourna le dos, ne réalisant pas qu'ainsi je lui offrais une vue plus qu'agréable.

- Je te plais comme ça?! Le ton était monté. Alors quoi? Quand j'étais un homme, l'idée de coucher avec moi te dégoûtait?! Tu aurais préféré que je sois une saloperie de gonzesse pour t'intéresser à mon physique dès le départ?!

J'étais hors de moi à nouveau, frôlant la crise d'hystérie je me retourna vers lui et le foudroya du regard.

- Maintenant que je ne suis plus qu'une putain, je te plais physiquement?? Tu as le corps qui correspondait à tes attentes autant que le psychique? Tu aimes ce que je suis devenu??!

Dans un accès de colère, je fracassa un verre contre le mur.

Sa colère ne me calmait pas pour autant. je lui répondit toujours aussi hors de moi.

- Oui, tu avait fait l'effort de te dire que finalement le fait que je sois un mec ne te dérangeait plus tant que ça. Mais maintenant que tu me vois ainsi, tu es bien content de ne plus avoir à faire d'effort !

Quelle injustice, Gabryell comptait tellement pour moi. Je voulais prendre soin de lui, le protéger et l'aimer. Maintenant ce rôle lui revenait. Je n'étais plus qu'une potiche bonne à être baisée... A cette réflexion, la colère retomba d'un coup, laissant place à l'abattement. Je n'étais plus rien, je n'avais plus la moindre valeur ni ambition...

- Tu sais quoi, laisse tomber. Va-t-en s'il te plait, et ne reviens jamais me voir.

Je ne répondais rien aux accusations de Gabryell. Il avait raison au fond, mais j'étais trop bouleversé pour le reconnaître. Mon corps décida de m'humilier encore un peu plus alors que je fondais en larmes sous le coup des émotions.
J'avais envie de m'arracher le cœur, qu'on en finisse de tout cela. Mais je ravala mon égo et demanda d'une voix irrémédiablement aiguë.

- Gabryell, ne pars pas... Ne me laisse pas...